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AmeSud
12 mai 2007

Pirate aux Caraïbes(1)

Un des aspects les plus grisants, excitants et qui vous fait sentir libre en voyageant sur une longue durée réside dans l'inconnu de la prochaine destination, dans l'imprévisible rencontre du lendemain. On se fatigue et on se démotive, tous les voyageurs le disent, à suivre consciencieusement le tracé qu'on s'est fixé initialement. De fait, peut-être trouve-t-on le renouvellement de son énergie et de son entrain dans la rupture même du parcours programmé à l'avance, comme une nécessité incontournable pour poursuivre sa route, de sorte que l'aventure, en soi, comme on le dit souvent, n'est pas dans l'objectif visé mais dans le chemin emprunté. Je n'aurais jamais pensé passer cinq petits jours au Brésil puisque ce n'était pas prévu. Ni au Brésil, ni en colombie où je me trouve, du reste, en ce moment. Surtout pas la Colombie : avec sa réputation souvent justifiée - il n'y a pas de fumée sans feu - le pays de Gabriel Garcia Marquez fait peur. Mettons de côté les problèmes exclusivement liés à la pauvreté qui sont les mêmes partout dans le monde, à plus forte raison quand la richesse démesurée côtoie avec indescence la misère, que ce soit à Buenos Aires, à Paris, à New-York ou dans n'importe quelle grande métropole de la planète, à ceci près, cela va sans dire, que les armes à feu  changent singulièrement la donne de la délinquance. Quoiqu'il en soit, Bogotá n'echappe pas à la règles : la ville, gigantesque, est un concentré de très riche et une dilution de très pauvre.

Située au nord du continent sud-américain et ratachée à l'amérique centrale via Panama, sans qu'il existe toutefois une voie terrestre qui permette d'acceder d'un pays à l'autre, la Colombie est bordée à l'est et au nord respectivement par l'océan pacifique et par la mer des caraïbes; à l'ouest, le pays est frontalier du Venezuela et du Brésil; au sud, du Perú et de l'Ecuador. Réputée, bien sûr, à travers le monde, pour son excellent café, ses gisements d'émeraudes et ses plantations de coca, la nation est surtout connue pour les guerillas meurtrières qui déciment une grande partie de sa jeune population masculine et pour ses milices qui séquestrent des otages afin de réclamer d'importantes rançons en échange de leur libération. C'est si vrai qu'il ne se passe pas un jour sans qu'aux informations ne soit annoncé un ou plusieurs meurtres. Les sitcoms made colombia traitent souvent de la douleur des familles soumis au chantage face à l'enlèvement de l'un de leur parent.

Ma route a croisé avec une occurence frappante celle de colombiens durant ces six derniers mois de voyage, principalement en Argentine cependant; à Rosario, où j'ai passé quelques jours en redescendant des chutes d'Iguazú le long du fleuve Paraná pour rejoindre Buenos Aires, un artisan colombien (vraiment doué pour l'artisanat, évidemment, mais aussi pour les affaires), m'a beaucoup parlé de son pays, des zones à risques et des régions securisées; à Buenos Aires même surtout, où j'ai rencontré Carlos , jeune étudiant en anthropologie qui m'a reçu dans sa famille à Bogotá, me tendant ainsi la main pour visiter son incroyable et merveilleux pays. L'un comme l'autre m'ont donné envie d'aller plus loin et de découvrir la Colombie , en confiance. Pas une confiance aveugle, mais une confiance prudente et mesurée. Les deux premiers jours, malgré tout, alors qu'aux premiers regards, la ville m'apparut plus propre et bien plus sécurisé que, par exemple, Buenos Aires, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'un voleur ou pire  se dissimulait derrière chaque habitant de Bogotá que je croisais. Je naviguais avec un sentiment d'insécurité. Cinq ans auparavant cette peur aurait pu avoir raison d'être; aujourd'hui et de jour, bien entendu, Bogotá est une ville relativement sûre. Depuis, j'ai voyagé à l'interieur du pays et, par exemple, ici à Cartagena, où il est recommandé de ne pas sortir de son hotel après la tombée de la nuit, le sentiment se justifie beaucoup plus, et encore, paraît-il, ce n'est rien en comparaison de certains endroits du pays.

Perchée à 2600 m d'altitude - ce qui vous fait complètement oublié que vous vous trouvez à quelques latitudes de la ligne équatoriale - Bogotá repose sur une zone altiplanique au coeur de la cordillière des Andes, de sorte qu'une muraille montagneuse accolée pour ainsi dire à la ville ferme, à l'est, l'horison d'une manière bien plus spectaculaire qu'à Santiago du Chili. A 3200 m d'altitude, il est possible de visiter le cerro Monserrate qui surplombe la capitale et qui offre une vue panoramique de l'immensité de l'agglomération et de la petitesse du centre historique de la ville, plein de charme, tout en briques orangés, où il fait bon finalement de s'y perdre.

A une heure environ de Bogotá , il est agréable aussi de déambuler dans les rues plus calmes de Zipaquirá, petite bourgade qui attire le visiteur pour sa sublime cathédrale de sel construite à quelques 33 m de profondeur sous une colline haute de 180 m. Le reste du temps je l'ai passé avec Carlos à déguster la cerveza colombiana tout en jouant à mortal combat sur sa console, ou encore à suivre à la télé, puisqu'il avait le câble, la triste démocratie française aux prises avec ses éléctions présidentielles. Alors que depuis six mois je suis déconnecté de l'actualité de mon pays, voilá que celle-ci parvenait jusqu'à moi : débat Sarkosy-Royale, résultats, discours, micro-trottoirs, presses européennes, américaines e,t bien sûr, latino-américaines, bref, le pack all inclusive. Une journaliste allemande s'étonnait, quelques heures après les résultats, qu'un homme comme Sarkosy (présenté dans tous les pays comme le candidat conservateur) qui a participé pleinement au dernier gouvernement depuis cinq ans puisse se positionner comme l'homme de la rupture et du changement, en un mot, comme un réformateur. Dimanche soir, à chaud, comme on dit chez les journalistes, à la question : " qu'attendez-vous de Nicolas Sarkosy?", j'entendai, éberlué, des jeunes d'à peine dix-huit ans, répondre qu'il était l'homme du changement, qu'il était le seul, grace à son dynamisme, à pouvoir relever la France, parce qu'elle en a bien besoin, que dans cinq ans, eh bien, on sera tout simplement fier de l'avoir élu president de la république car il ne nous decevra pas. Subliminal. Chirac et les médias nous avaient déjà fait le coup en 2002 en axant sa campagne sur le thème de l'insécurité, obligeant le pays à se confronter à un reflet presque créé de toutes pièces, celui d'une France en feu où il fallait à tout prix se protéger. Je comprends bien ça, après avoir marché dans les rues de la capitale colombienne, accompagné d'une peur pour partie fantasmée. Elections 2007 : autre reflet fabriqué, puis répété et diffusé toujours par nos vieilles branches de médias qui clament avec raison leur neutralité puisqu'en tant que journalistes, ils ne prennent pas partie, ils ne font que rendre compte. Ce n'est pas à eux de juger. Dans le miroir que voit-on en 2007? La France va mal. Elle est en crise. Une crise multi-anémique : morale, politique (va sans dire), économique, sociale, culturel, philosophique j'ai entendu ici ou là. La France est à terre. Il lui faut un heroe pour la redresser. Fin du synopsis. Je voyage dans les pays d'amérique du sud, dont certains sont considérés comme des pays du tiers-monde. Je suis actuellement en Colombie. Sans négliger les problèmes que traverse notre pays et plus généralement le monde à l'heure de la globalisation, peut-on me dire d'où qu'elle est tombée et qu'elle est à genoux, la France? Il a fait une excellente campagne, nous dit-on. C'est pas moi qui vais dire le contraire. Il nous dit qu'il va rétablir les valeurs entre le bien et le mal. Je vous le dis tout de go : je sortirais ce soir dans les rues les plus mafamées de Cartagena que ça ne me ferait pas aussi peur.

De nuit, vous l'aurez compris, je ne la connais pas vraiment la Colombie.A part, pour l'instant ce trajet en bus entre Bogotá et Cartagena. Derrière la vitre j'ai pu contempler les scènes nocturnes qui se déroulent sur les bas-côtés de la route, et au-delà, où s'étendent des vallées enchantées, toutes illuminées, ici et là, par de faibles éclats de lumière, dessinant des constellations le long du relief complexe d'un paysage magique dans l'obscurité presque totale de la nuit qui tombe, sous ces latitudes, aux alentours de 18h30. De part et d'autre de la route s'alignent des petites maisons basses, faites de planches de bois ou de briques dénudées, et on aperçoit les gens affairés à vendre un fruit, ou un pot d'ariquipe (dulce de leche), ou encore une soupe, comme si toutes ces petites cases faisaient également office de snack. On voit aussi, à intervalles réguliers, des torses nus installés, le temps d'une rêverie, dans des hammacs ou affalés sur des chaises pliantes. Cela faisait cinq heures que je voyageais et je commençais à me dire que la température avait dû augmenter depuis Bogotá. Une demi-heure plus tard, on fit une halte dans une aire de repos, un sous-bois où trônait comme une cantine à ciel ouvert. Jamais je n'avais éprouvé une telle sensation de chaleur et de moiteur en descendant du bus. Vingt heures plus tard, cette même touffeur me saisit en arrivant à Cartagena, la plus vieille ville de Colombie. Eau tiède, chaleur voluptueuse, vieux remparts et architecture coloniale aux saveurs des îles, pluie de fleurs exotiques du haut des balcons en bois; pour circuler, motos-taxis, si nombreuses qu'à certains feux rouges, on a le sentiment, à l'arrière de l'une d'elles, de participer à un rallye de motards dont la course, dans tous les sens du terme, nous échappe irremediablement, ou pour plus de sérénité, bus-tigres qui par leur forme rappellent l'animal dont le pelage metallique flamboyant lui donne un air de dragon d'orient, voilà l'envoutement des Caraïbes dont les verts turquoises surmontent les auburns des acajous.

Je vous écris depuis la piaule de mon hotel qui fait aussi bar et snack. L'hotel, pas ma piaule. Pour vous donner une idée, il y a d'abord la route, puis vient l'abri, à l'entrée, où le bar jouxte immédiatement ma chambre. Stationné sur le bas-côté de la route, un semi-remorque, portière grande ouverte crache à pleins poumons depuis plus de trois heures une musique qui sent le vieux rhum . La transe de l'accordéon semble animer la clientèle du bar. Ces rythmes et ces mélodies portent le nom de Vallenato. Sur mon lit, sous les assauts du ventilateur, je ne peux fermer l'œil, tant la musique est forte. Qu'importe ! Je suis dans les Caraïbes et jamais je n'ai eu à ce point l'impression d'être dans un film, dans un autre temps, dans un monde différent

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Commentaires
C
Bien Bien ... on te fait des bises :p<br /> t'écrit quand même bien ^^
E
Luc, j'avais reçu ton mail, j'y ai répondu mais il m'a été retourné... Je vais te lire tranquillement au lieu d'aller regarder la cérémonie d'investiture de Nicolas ! Je te raconterai en détail (si tu en as envie !) les drôles de choses qui se passent ici : ministrables de gauche ET du centre qui pour avoir un portefeuille sont prêts à tout, le PS qui n'en peut plus de se déchirer pour trouver "le" coupable qui a tout fait foiré au lieu de se poser les bonnes questions etc... etc... Pour le chiffre que tu attends, Jacques voit ça avec le comptable. Nous t'embrassons fuerte !
AmeSud
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